L'unilatéralisme du silence

Le 5 août 2003

Il y a des gens qui se disent : "tiens, je vais fermer ma gueule", parce qu'ils savent qu'ils risquent de dire une connerie. Et paf ! Ils disent une connerie même en disant qu'ils ne vont rien dire. Comme quoi, ils auraient carrément dû se coudre la bouche avant de se taire. OK je sais que c'est compliqué ce que je viens de dire. Je m'explique. Hier ou avant hier je regarde à la télévision un interview du responsable des Nuits atypiques de Langon, festival militant et tribune de l'altermondialisme. Jusqu'ici tout va bien et je me considère moi même altermondialiste. Tout va bien jusqu'à ce que le journaliste l'interroge au sujet de Noir Désir et de Bertrand Cantat, compte tenu du fait que le groupe devait se produire sur cette scène. "On a choisi de garder le silence en soutien à Noir désir" a expliqué le responsable. C'est tout ? Vous vous attendiez également à un soutien, même silencieux, à Marie Trintignant, sa famille et toutes les femmes qui sont victimes de violences conjugales ? Moi aussi mais on a rêvé. Car tout de même "les résultats de l'autopsie sont accablants : le chanteur bertrand Cantat a bien porté des coups à l'origine du coma puis du décès de l'actrice. J'aime bien Noir Désir mais j'aime aussi qu'on ne cogne pas les femmes, et je n'oublie pas "l'unilatéralisme de la violence physique" comme dit Gisèle Halimi dans Le Monde du 5 août 2003. Ensuite il est bon de rappeler que selon le rapport Henrion de février 2001, en France, une femme meurt de violences conjugales tous les cinq jours. Parmi les victimes présentées dans le rapport, 30 % ont été poignardées, 30 % ont été abattues par arme à feu, 20 % ont été étranglées et 10 % ont été rouées de coups jusqu'à la mort. Sur 652 femmes victimes d'homicides entre 1990 et 1999, sur Paris et sa proche banlieue, la moitié a été tuée par leur mari ou leur compagnon.

Alors s'il vous plaît, OK pour soutenir Bertrand Cantat qui doit beaucoup souffrir. Mais pensons aussi à toutes ces femmes et disons non à l'unilatéralisme du silence.

 

Laurent CAUDINE Mauléon